Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Eclat de Vie
25 novembre 2014

Journée Internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

Bonjour,

Je viens de lire l'article de Claire. J'avais envie de ressortir celui-ci, tel que je l'avais écrit en mars 2011.  Parce qu'il faut en parler. Et parce que plus jamais ca.

 

Hier soir je regardais une série débile a la télévision, une série française avec des acteurs médiocres en plus pouhaaaaa ! Mais le sujet de fond ne me laissait pas neutre, et pour cause il s'agissait d'un homme abusé sexuellement quand il était enfant par son oncle.

Je sais que je parle ici souvent de moi mais j'évite en général de rentrer dans les détails de mon passé, non par pudeur, mais parce que j'ai travaillé longuement sur mes démons, et qu'aujourd'hui ils font partie de mon histoire, ils m'ont aidé à devenir ce que je suis, ils font partie de moi, mais je suis passée a autre chose. Je ne reste pas bloquée sur hier. Pourtant ce matin, j'ai envie de parler. Parce qu'il faut en parler. Parce qu'on n'en parle pas assez. Parce qu’encore maintenant c'est un sujet tabou et qu'il ne faut plus se taire.

J'étais une enfant très sérieuse, très responsable, très raisonnable, ma mère tenait seule un petit commerce d'alimentation et je l'aidais souvent, je m'occupais de mon petit frère, tenais la caisse quand il y avait trop de monde, allait même à la banque en traversant la ville du haut de mes 8 ans avec la recette du magasin planquée sous mon blouson.

Un après midi, je rentrais de la banque justement, un vieux monsieur derrière moi m'a appelé pour me donner un ticket qui était soi-disant tombé de ma poche. Je me suis approchée de lui pour vérifier et il m'a attirée vers lui, dans une arrière-cour, derrière la boulangerie, ou il garait sa "super mobylette" qu'il fallait absolument que je vois. Ce monsieur avec son manteau sale et son pantalon troué me faisait peur. Avec le recul, je ne comprends toujours pas comment j'ai pu me laisser entrainer dans cet endroit sombre. J'étais une enfant sauvage, moi, sauvage et très mure pour mon âge. Je n'étais pas une petite fille folâtre et naïve. Pourtant malgré la peur, malgré la répulsion que m'inspirait son haleine avinée, je me suis retrouvée coincée entre le mur et ses bras qui se resserraient sur moi. Il voulait que je lui fasse un "bisou" pour me libérer. Je ne criais pas, ne me débattais pas, j'étais tétanisée. Je lui ai fait un bisou sur la joue, mais il en voulait encore et encore. Je commençais à pleurer. Je crois que ce jour-là, mes anges gardiens ont "assuré" car en voyant mes larmes, il a desserré son étreinte et m'a laissé partir. J'ai couru, couru jusqu'à la maison sans m'arrêter. Me voyant pale et paniquée, ma mère m'a fait parler, je lui ai tout raconté. Elle est partie furieuse, une bouteille vide a la main qu'elle est allée lui fracasser sur le dos je crois ... Je ne l'ai plus jamais revu.

De ce jour, je suis devenue extrêmement consciente du danger que représentent les inconnus. J'étais très très méfiante et ne laissais personne s'approcher de moi ou de mon petit frère.

Le problème c'est que le danger ne vient pas seulement des inconnus.

Nous sommes un dimanche matin de juin. Ma mère est à la messe, mon père fait son tiercé, mon frère est en tournée (il était petit chanteur a la croix de bois). J'ai 14 ans et je révise mes cours pour le brevet des collèges. IL doit passer à la maison déposer un truc à mon père. Il m'est très familier, c'est un proche. J'allais en vacances chez eux quand j'étais petite.

Il sonne a la porte, me fait la bise pour me dire bonjour et jette un bref coup d'œil sur mes cours posés sur la table. Il est bizarre aujourd'hui ... un truc dans ses yeux que je n'arrive pas à définir.  Il s'approche de moi, un peu. Un peu trop. Il met sa main sur ma nuque, et me dit que je suis une "belle jeune femme" maintenant. Je ne comprends pas trop pourquoi il dit ça parce que vraiment, je suis en tenue de combat pour réviser, j'ai mon gros pull vert trop grand, un pantalon trop large, puis je ne ressemble à rien. J'étais tout sauf une belle jeune femme, même le pire des ados affamés et en rut n'aurait pas voulu de moi à cette époque.

Je réussis à me dégager doucement pour aller voir mon chien, mais il revient, insiste, me serre contre lui... Sous l'insistance de ses caresses, je commence à comprendre ce qu'il veut. J'essaie de me dégager mais son étreinte devient plus ferme. Il me dit que je suis belle, qu'il a envie de m'embrasser, de me caresser, il veut que je le touche. Il me dit que je le rends fou et son regard me fait peur, il se penche vers moi pour m'embrasser mais je tourne la tête et le repousse. Je lui dis : "non, non, non, NOOOOOON !!!" je crois hurler ce non de toutes mes forces et pourtant le son reste enfoui dans ma gorge. Je finis par me dégager. Il me regarde totalement hagard. Je crois que mes anges gardiens sont encore une fois venus à ma rescousse, car il recule. Je lui dis de partir : "va-t’en, va-t’en ! Mes parents vont arriver "

Je sais que c'est faux. Ils ne seront pas la avant au moins 1h... Mais il se dirige vers la porte, se retourne une dernière fois pour me dire de ne parler de tout ça a personne... tu m'entends : PERSONNE !!!

Je m'écroule aussi secouée par la violence de la scène que par le choc qu'elle a provoquée en moi. Je ne serais désormais plus jamais la même ...  Il vient de détruire la dernière parcelle d'insouciance qu'il me restait. Je suis démolie totalement bousillée. J'étais déjà très méfiante, je ne fais désormais plus confiance à personne. Il vient de radicalement transformer la vision que j'ai de moi, des hommes et de l'amour.

Et les angoisses commencent. Chaque nuit. Chaque nuit son visage me poursuit, dans un magasin, dans la rue, au collège... Chaque nuit, je le vois, il me courre après et chaque nuit, je cherche à m'échapper. Chaque nuit, je revis ce supplice, il s'approche de moi, il veut me faire du mal. Alors je ne veux pas dormir, plus jamais. Ma vie devient insupportable.

Je ne pourrais jamais faire confiance à un homme. Je ne pourrais jamais aimer. Je ne pourrais jamais vivre comme les autres.  Je n'ai plus d'espoir tout me parait tellement noir, sans issue... Sauf que ces soirs ou le doute est trop fort, je me lève, je m'habille, je veux m'enfuir, quitter cette vie. J'enfile mon walkman et j'entends ce chanteur qui me dit de ne pas glisser. Qu'en chacun de nous il y a de la lumière, que c'est à moi de savoir ce qu'il faut en faire... Cette volonté, cette rage, cette énergie il me les transmet avec force. C'est toute mon âme qui les reçoit.

Je me recouche et m'endors, le walkman sur la tête pour ne plus entendre le monde autour de moi, et en essayant de trouver la lumière dont il parle. Parce qu'il a peut-être raison, la vie c'est pas ça, ici maintenant, mais ma vie à moi c'est demain, et c'est à moi de la construire. Je puise ma force en lui. J'ai envie d'y croire à nouveau... Grâce à lui, je ne glisse pas, je tiens bon …

Et puis un jour ... j’ai eu la chance de  rencontré GG. Il m'a aidé à me réconcilier avec moi, avec mon corps, avec les hommes, avec l'amour.

Voilà c'est un très long article que j'écris aujourd'hui, mais je ne pouvais pas bâcler un tel sujet. J'ai eu beaucoup beaucoup de chance dans tout ça, parce que mon traumatisme à moi n'a pas été physique. J'ai échappé au pire à 2 reprises.

Il ne faut pas avoir peur d'en parler. En parler, c'est dénoncer, c'est soutenir tous ces enfants abimées, détruits par ces adultes malades... Aujourd'hui, j'ai une pensée émue pour tous ces enfants.

Je viens éditer mon article pour ajouter autre chose.

Je n'aurais pas imaginé qu'écrire cette histoire me remuerait autant mais en fait ce n'est pas tant l'écrire, c'est la publier la aux yeux de tous. Parce que cette histoire il a fallu que la taise. Que je ne dise rien ni à mon père, ni à ma famille. Que je m'éloigne. Que l'on s'éloigne comme des parias.

Et pourtant je me surprends encore aujourd'hui à m'auto censurer. A ne pas LE dénoncer. Pour le protéger sans doute lui et ses proches qui sont aussi les miens. Mais ce silence j'en peux plus... Je m'éloigne de cette famille qui m'a obligée à me taire, je m'éloigne sans rien dire encore une fois et ils ne comprennent pas. Parce que malgré le temps, malgré le fait que cette blessure guérisse, le silence lui est toujours là. Pesant.

Ma mère a été pourtant parfaite je dois dire, elle m'a écoutée, a tout de suite alerté "la haute autorité" mais on lui a imposé a elle aussi le silence, alors elle s'est tut.

Si j'ai écrit cet article aujourd'hui c'est parce que je ne peux plus me taire, parce que vous n'avez pas non plus le droit de vous taire ... parce qu'on a trop tendance à banaliser ces actes qui saccagent ces cœurs d'enfants, parce que la morale veut garder le secret... pour ne pas détruire l'équilibre des adultes, on détruit l'univers d'un enfant. C'est tellement plus confortable.

 

Contre_violence_femmes

Publicité
Publicité
Commentaires
C
je trouve tellement horrible que certains se servent de leurs ascendants sur d'autres (force, filiation, etc) ... C'est terrible ce qu'il t'est arrivé Céline.<br /> <br /> Je te serre fort (mais je souris un peu en pensant à Patrick)
Eclat de Vie
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Eclat de Vie
Visiteurs
Depuis la création 18 736
Newsletter
Publicité